Bécasse des bois

Publié dans Les espèces

La Bécasse des bois (Scolopax rusticola), une fiche ONCFS

La bécasse des boisClassification (Classe, Ordre, Famille) :
Oiseaux, Chraradriiformes, Scolopacidae (Scolopacinae)

Critères de reconnaissance

La bécasse des bois est un limicole trapu de la taille d’une perdrix grise. Aucun caractère externe ne permet de distinguer chacun des sexes. La distinction entre juvénile et adulte (> 1 an) est possible à partir de l’examen des plumes de l’aile : usure des rémiges, liseré des couvertures primaires, stade de mue des couvertures secondaires et forme des couvertures sous-alaires.
Aucune confusion n’est possible avec une autre espèce.

Caractères biologiques

Régime alimentaire

La majorité du régime alimentaire est constitué de proies animales : lombricidés, larves et imagos d’insectes, myriapodes, crustacés. 80% de son énergie provient de la consommation de vers de terre. Des graines et des végétaux verts sont également absorbés.

Rythme d’activité

La bécasse est, pour l’essentiel de ses populations, une espèce migratrice. La migration se déroule de nuit par petits groupes de 5-6 individus. La migration post-nuptiale s’amorce en septembre en Russie et bat son plein en novembre en France. Elle se déroule sur un large front. Au cours de ce déplacement les familles se dispersent. Les juvéniles sont les premiers à se mettre en mouvement. La migration pré-nuptiale débute fin février en France, l’essentiel du passage a lieu en mars. Les territoires de reproduction les plus éloignés ne sont atteint qu’en mai. Les mâles partent les premiers. Pendant la période de reproduction, la bécasse est essentiellement active en journée et aux heures crépusculaires. La recherche alimentaire et l’élevage des jeunes (pour la femelle) et les vols de croule (pour les mâles) en constituent l’essentiel. Les bécasses restent en permanence en milieu forestier.
En hivernage, les oiseaux occupent les milieux forestiers (ou les haies) en journée et gagnent en vol (la passée) les milieux découverts (prairies) la nuit. Le rythme d’activité suit généralement le schéma suivant : activité crépusculaire et nocturne/repos diurne. Toutefois certains individus présentent un schéma inversé, d’autres changent de rythme en cours d’hivernage. En période de froid plus intense, les bécasses sont plus actives en journée et ne quittent pas la forêt la nuit. Elles sont fidèles d’une année à l’autre à leur site d’hivernage.

Reproduction

L’espèce est polygame. La femelle est mature à l’âge d’un an. Les premières manifestations de la période de reproduction sont le fait des mâles qui, soir et matin, effectuent des vols accompagnés de cris : la croule. Ces vols en solitaire peuvent être observés de février (en France) à juillet-août, avec une intensité maximale en mai-juin. Les mâles sont fidèles d’une année à l’autre à leurs sites de croule.
La période de nidification s’étend de mi-février (en France) à août, avec un maximum de
pontes qui se décale de mars à juin à mesure que l’on s’élève en altitude ou que l’on progresse
vers le Nord et l’Est de l’Europe.
Le nid est disposé à terre. La ponte est composé de (3)4(5) oeufs blanc jaunâtre. Les pontes de remplacement sont avérées. L’incubation dure environ 22 jours. Seule la femelle couve. Les bécasseaux sont nidifuges. Leur croissance est très rapide. Ils effectuent leurs premiers vols vers l’âge de 20 jours et sont indépendants à 2 mois.

Paramètres démographiques

La productivité annuelle est estimée à un peu plus de 2 jeunes/femelle. Les pertes en période
de reproduction sont évaluées à 30%. Le taux de survie des poussins jusqu’à l’envol est
estimé à 56%.
Les taux de survie sont estimés à 47% pour les jeunes de moins d’un an et 59% pour les
adultes en Grande-Bretagne, à 34% et 44% respectivement en France. L’espérance de vie d’un
adulte est évaluée à 1,25 années.

Caractères écologiques

Pendant la période de reproduction, la bécasse est essentiellement forestière. Sa préférence va aux grands massifs de feuillus, aux forêts mixtes et aux jeunes plantations de conifères. Un sol frais et humide lui est favorable. La femelle installe son nid le plus souvent en lisière d’une parcelle, d’une clairière ou d’un chemin. La présence, à proximité, de zones riches en lombriciens est déterminante. La végétation au sol des sites d’élevage ne doit pas gêner les déplacements des bécasseaux tout en assurant leur protection vis à vis des prédateurs. En Russie les jeunes forêts à bouleaux (Betula pendula) ou à aulnes dominants (Alnus incana)
sont celles où les densités de nicheurs sont les plus élevées. Les vieilles forêts mixtes à bouleaux dominants (Betula pendula) sont également d’excellents habitats de reproduction.
Dès juillet-août, les jeunes volants fréquentent des zones ouvertes (prairies, coupes forestières, chemins) la nuit.
En période d’hivernage, la bécasse fréquente divers milieux : bois et forêts le jour, milieux ouverts, notamment les prairies, la nuit. Tous les milieux forestiers lui conviennent à l’exception des vieilles futaies uniformes. Les jeunes taillis et/ou les humus de type mull sont particulièrement recherchés. Les prairies permanentes pâturées sont les meilleurs milieux nocturnes, en raison de leur fortes densités en vers de terre et en larves.
Lors de la migration, la bécasse peut se rencontrer dans des milieux très divers : taillis, haies, dunes, champs cultivés. Les prairies permanentes sont très fréquentées, la nuit, au cours des haltes migratoires.

Répartition géographique

La Bécasse des bois est largement répandue en Eurasie. Son aire de répartition est comprise approximativement entre 50°N et 60°N et entre l’extrême ouest des îles Britanniques et la côte du Pacifique, jusqu’à 160°E.
L’aire de nidification au sens strict comprend essentiellement la Fennoscandie, les Pays Baltes, la Russie, la Biélorussie et les pays d’Europe centrale. L’aire d’hivernage au sens strict concerne le pourtour de la Méditerranée : moitié sud de la péninsule Ibérique et de l’Italie, côtes de la Grèce, moitié sud de la Turquie, Syrie, Liban, Israël, Jordanie, nord de l’Egypte, Libye et frange côtière des pays du Maghreb. En Asie, l’espèce hiverne en Inde, au Sri-Lanka, et dans l’ensemble du Sud-Est Asiatique, dont la Chine. Une aire intermédiaire, intercalée entre l’aire stricte de reproduction et l’aire stricte d’hivernage, accueille la bécasse toute l’année. Les Iles britanniques et la France forment le coeur de cette aire intermédiaire dans le
Paléarctique occidental.
Répartition de la bécasse des bois - scolopax rusticola

La faible superficie de l’aire d’hivernage contraste avec l’étendue de l’aire de reproduction. La grande majorité des bécasses européennes hiverne dans les régions proches du littoral Manche-Atlantique (Iles Britanniques, France, Espagne, Portugal) et sur le pourtour méditerranéen (pour l’essentiel France et Italie).
La répartition des populations varie selon l’origine des bécasses. Les oiseaux les plus nordiques e orientaux (longs migrateurs) hivernent le plus au sud et à l’ouest de l’aire d’hivernage. A l’extrême les oiseaux nés en France ou en Grande-Bretagne, par exemple, sont quasiment sédentaires. A une région d’hivernage donnée semble correspondre une origine géographique dominante.
Trois populations isolées et sédentaires vivent aux Açores, aux Canaries et à Madère.

Distribution de l’espèce en France

En France, l’aire de reproduction concerne essentiellement le Bassin parisien au sens large, le quart Nord-Est et les régions montagneuses : Massif central, Pyrénées, Alpes, Jura. La bécasse peut être observé partout en période de migration. En revanche, en hivernage la majorité des effectifs se rencontrent dans les régions littorales Manche-Atlantique et sur le pourtour de la Méditerranée.

Statut de l'espèce

Directive « Oiseaux » 79/409 CEE : annexe II/1 et III/2
Convention de Berne : annexe III
Convention de Bonn : annexe II
Chasse autorisée partout en Europe sauf aux Pays-Bas, en Belgique (Flandres) et en Slovénie

Mesures réglementaires en France

En France, la chasse à la passée et la chasse à la croule sont interdites ainsi que la commercialisation. L’espèce est chassable de l’ouverture générale au 20 février.
De nombreux départements ont mis en place des PMA (prélèvement maximum autorisé) avec ou sans carnet de prélèvements. Le plus souvent, un PMA journalier et un PMA annuel ont été instaurés.

Etats des populations et menaces potentielles

Etat des populations

L’effectif total de bécasse des bois en Europe est inconnu. La biologie de l’espèce et nos connaissances actuelles nous permettent en revanche d’appréhender la tendance démographique des effectifs nicheurs de certaines populations.
Seules la France et la Suisse romande appliquent depuis plus de 10 ans une méthode de recensement spécialement mise au point pour l’espèce en période de reproduction L’effectif nicheur français apparaît en légère décroissance. L’effectif nicheur en Suisse est considéré en régression. Les effectifs nicheurs sont considérés comme stables en Suède, en Finlande, en Norvège et en augmentation au Danemark. En Grande-Bretagne ils seraient en diminution.
Aucune information sur les tendances des effectifs reproducteurs n’est encore disponible en Russie, alors que ce dernier pays rassemble une partie importante des populations européennes. Un protocole de recensement calqué sur celui utilisé en France est en place depuis 3 années dans ce pays.
Les effectifs hivernants varient d’une région à l’autre en fonction des conditions climatiques.
Néanmoins, ils sont considérés comme stables en Irlande, en Italie, en Espagne, et en Grande- Bretagne. Ces résultats doivent malgré tout être pris avec précaution dans la mesure où ils sont établis à partir des tableaux de chasse et que la relation entre ces tableaux et l’effectif de la population n’est pas parfaitement établie. En France, les effectifs hivernants subissent d’importantes fluctuations inter-annuelles mais apparaissent stables. Dans tous les autres pays, le statut des hivernants est inconnu.
Les effectifs en migration d’automne sont considérés comme stables au Danemark depuis 30 ans. Ils seraient en augmentation en Allemagne.
Les effectifs de bécasse des bois sont considérés comme stables par Wetlands International.

Statut de conservation

L’espèce est considérée comme vulnérable en hiver : catégorie SPEC 3W

Menaces

Les connaissances actuelles ne mettent pas en évidence de menaces particulières. Plusieurs
sont cependant couramment évoquées sans que leur impact n’ait jamais été mesuré.

  • La perte d’habitat serait le principal facteur limitant pour la bécasse. L’enrésinement, la fragmentation, le vieillissement des forêts, les pluies acides, la diminution de la superficie en prairies permanentes sont cités comme facteurs pouvant affaiblir la capacité d’accueil. Au Danemark et en Suède, en revanche, l’habitat potentiel se serait amélioré en raison de pratiques sylvicoles plus respectueuses de l'environnement.
  • Les vagues de froid peuvent entraîner localement une mortalité importante. Mais, surtout, elles provoquent des déplacements de la population hivernante vers les zones littorales. L’augmentation des densités en région côtière accroît la vulnérabilité de l’ensemble de la population. Les oiseaux regagnent leurs sites d’hivernage initiaux dans un délai d’une à deux semaines après la fin de la vague de froid.
  • Les prélèvements cynégétiques sont estimés à 3 – 4 000 000 de bécasses chaque année en Europe dont 1 200 000 en France. Trois pays (France, Italie et Grèce) rassemblent environ 80% du total des prélèvements européens. L’augmentation de la pression de chasse sur cette espèce est fréquemment évoquée par les chasseurs eux-mêmes. Si cette tendance devait se confirmer, elle pourrait à terme mettre en danger les populations de bécasses dont les taux de survie estimés à ce jour s’avèrent faibles.

Propositions de gestion

Pour l’essentiel les actions de gestion à développer à l’heure actuelle concernent le suivi des populations et les prélèvements cynégétiques.
Le suivi des effectifs nicheurs, tel qu’il est pratiqué en France depuis plus de 10 ans, devra être étendu à l’ensemble de l’aire de reproduction. Il est déjà en action en Russie depuis 3 années et devrait intéresser désormais la Scandinavie et les pays d’Europe centrale.
De même, des estimations de prélèvements cynégétiques fiables et régulières sont indispensables. C’est le cas pour quelques pays (Danemark, Russie), mais malheureusement pas pour ceux qui prélèvent le plus comme la France ou l’Italie.
Des outils de régulation des prélèvements, comme le PMA, doivent être mis en place le plus rapidement possible. Ce PMA doit être modulable en fonction de l’avancée des connaissances. Ainsi, l’exploitation durable des populations de bécasses pourra-t-elle mieux être en accord avec leur état de conservation. La réglementation actuelle prévoit la mise en place de PMA dans chaque département français sur proposition des responsables cynégétiques. Celle-ci doit être fortement encouragée lors des CDCFS.
Toute action visant à maintenir des prairies permanentes pâturées est également nécessaire pour offrir des ressources alimentaires optimales aux bécasses en hivernage. En outre, une exploitation forestière permettant le maintien de plusieurs classes d’âge dans les peuplements ainsi qu’une mixité des essences et conduisant à des sols à humus de type mull doit être encouragée.

Axes de recherches à développer

Définition des caractéristiques écologiques des habitats favorables en période de reproduction dans l’aire principale de nidification.

Définition et importance des facteurs conditionnant la réussite de la reproduction : facteurs climatiques, prédation, essentiellement.

Définition des caractéristiques écologiques des habitats favorables en périoded’hivernage (thèse de doctorat en cours de publication).

Définir le poids de chaque région de reproduction dans les effectifs des différentes régions d’hivernage afin de proposer des mesures de gestion mieux ciblées en fonction des problèmes posés (en cours).

Interprétation des résultats des captures de fin d’été - début d’automne (age-ratio, effectifs) afin d’ estimer la réussite de la reproduction annuelle.

Analyse des données du baguage pour suivre l’évolution de la pression de chasse. Le taux de reprise et le temps de port de bague pourraient servir d’indicateurs de l’évolution de la pression de chasse.

Mise au point d’une méthodologie pour estimer la tendance démographique des effectifs hivernants ( en cours).

Bibliographie

FERRAND, Y. & F. GOSSMANN (1995)La Bécasse des bois. Eds Hatier. 165 p.
FERRAND, Y. & F. GOSSMANN (2001)Elements for a Woodcock (Scolopax rusticola)
management plan
. Game and Wildlife Science, Vol. 18(1), march 2001, p.115-139.
SNOW D.W. & C.M. PERRINS (1998)The Birds of the Western Palearctic. Concise
edition. Vol.1 Non-Passerines. Eds. Oxford University Press.

 


Auteur : Yves Ferrand.

L'article et les illustrations sont de l'ONCFS. La version originale de cet article est accessible ici...

 Publication 2004.