Bécassine des marais
Fiche ONCFS
Description de l'espèce
Critères de reconnaissance
La bécassine des marais est un limicole de taille moyenne.
La distinction entre juvénile et adulte (>1an) est possible à partir de l'examen des rectrices (aspect, largeur et longueur) et des parties supérieures du plumage alaire.
La détermination du sexe est possible à partir de l'examen des rectrices externes de type adulte. Les femelles ont un poids plus important, et le bec plus long que les mâles, ces deux facteurs augmentent la probabilité de détermination du sexe.
Confusions possibles
Avec la bécassine sourde (Lymnocryptes minimus), plus petite et au bec plus court. A l'envol, la bécassine des marais émet généralement un cri et vole en zigzag.
Avec la bécassine double (Gallinago media), plus grande, rare en France. A l'envol cette espèce ne crie pas et son vol est lourd et rectiligne.
Caractères biologiques
- Régime alimentaire
- Rythme d'activité
- Reproduction
Régime alimentaire
La bécassine des marais consomme en priorité des proies animales : lombricidés et néréidés, larves et imagos d'insectes (chironomidés, tipulidés, culicidés, tabanidés, syrphidés, par exemple), mollusques (gastéropodes) et crustacés (isopodes, copépodes, cladocères, amphipodes). Les graines de plantes aquatiques (Ranunculus, Vicia, Solanum, Rumex, Scirpus, Carex, Glyceria, par exemple) sont fréquemment absorbées.
Deux stratégies alimentaires peuvent être utilisées par les bécassines des marais selon les milieux :
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si la présence d'eau est temporaire elles s'alimentent de proies terrestres dans les parties immergées,
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si l'eau est présente de façon permanente ou semi-permanente elles s'alimentent dans l'eau de proies aquatiques.
Rythme d'activité
La bécassine des marais est une espèce migratrice. La migration se déroule de nuit par petits groupes de moins de 10 individus. Une certaine hétérogénéité en termes de chronologie, de voies et de vitesse, liée à l'origine géographique, à l'âge et au sexe des individus, caractérise la migration de cette espèce.
Les premiers mouvements post-nuptiaux s'observent à partir de mi-juillet. Pour les adultes, il s'agit de déplacements vers les sites de mue. Les jeunes oiseaux se rassemblent en juillet, effectuent des mouvements erratiques puis quittent les sites de reproduction. L'essentiel du passage migratoire a lieu en octobre-novembre. En France, les effectifs migrateurs observés en juillet-août sont composés uniquement de juvéniles. Les adultes apparaissent en septembre-octobre. Un dernier passage composé essentiellement de juvéniles a lieu en novembre.La migration pré-nuptiale se déroule surtout en mars et début avril. Le retour des mâles vers les sites de nidification s'effectue avec une dizaine de jours d'avance sur les femelles.
En période de migration les bécassines s'alimentent et se reposent durant le jour.
En période d'hivernage, le rythme d'activité des bécassines suit généralement le schéma repos diurne/alimentation nocturne. Un vol crépusculaire les conduit des sites de repos vers les zones de gagnage (et inversement à l'aube). En fonction des conditions climatiques, une prise de nourriture complémentaire diurne peut s'avérer nécessaire. Les bécassines utilisent un vaste domaine vital capable de répondre à tout leurs besoins pendant l'hivernage. La fidélité inter-annuelle des adultes à leur sites d'hivernage à été mise en évidence.
En période de mue et de haltes migratoires, l'alimentation a une place prépondérante et est assurée de jour comme de nuit sur les lieux de stationnement.
Pendant la saison de reproduction, l'activité des oiseaux est essentiellement diurne avec une intensité plus forte en fin de journée et au lever du jour.
Reproduction
L'arrivée sur les sites de reproduction s'échelonne de mars à mi-juin selon la latitude.
L'organisation sociale sur les zones de reproduction est de type territorial. Le territoire peut couvrir une dizaine d'hectares. Le mâle signale son territoire par un vol nuptial accompagné d'un chant.
Le nid est une petite coupe d'herbe sèche assez profonde placée dans une touffe d'herbe, de joncs, de bruyère, sur un touradon de laîche ou encore dans la mousse. Il est toujours placé sur une légère éminence.
La ponte est composée de 4 œufs. Les premières pontes sont déposées en majorité entre mi-avril et fin mai, les dernières dans la première quinzaine d'août. Les pontes de remplacement sont fréquentes. L'incubation dure de 18 à 22 jours. Seule la femelle couve.
Les jeunes quittent le nid peu après l'éclosion. En général, le mâle prend en charge l'élevage des deux premiers éclos. Les deux adultes se partagent ainsi l'élevage de la couvée.
Les jeunes bécassines sont indépendantes à l'âge de 6 semaines environ, mais elles peuvent voler dès la troisième semaine. Elles sont matures à un an mais beaucoup ne se reproduisent sans doute pas avant la deuxième année.
Paramètres démographiques
La productivité annuelle est estimée à 2,2-2,3 jeunes par couple.
Les taux de mortalité moyen en Europe varient entre 48,3% (Iles Britanniques) et 56,1% (Scandinavie) .
Caractères écologiques
En période de reproduction, la bécassine fréquente des formations végétales basses, plus ou moins denses, marécageuses ou du moins humides. Elle peut installer son nid très près de l'eau ou dans des milieux sans eau de surface mais où la nappe affleure. Les biotopes de nidification vont de la pâture humide aux boisements clairs de la toundra. Tous les types de marais tourbeux avec laîches, joncs mousses et sphaignes lui conviennent. Les zones de saules, d'aulnes, bouleaux ou mélèzes ont sa préférence. La nidification peut être compromise par un assèchement trop rapide au cours du printemps.
Les sites de gagnage des bécassines sont très diversifiés, surtout en période migration, mais présentent des caractéristiques communes. Ces sites (marais à carex, landes à molinie, prairies pâturées, cultures inondées& ) ont en général entre 25 et 75% de leur surface recouverte d'eau et la strate de végétation où circulent les bécassines (5-25 cm) ne couvre jamais plus de 50% de la surface des sites. L'habitat typique est la prairie pâturée de façon extensive par des vaches ou des chevaux. Des sites tels que vasières, réservoirs de faible profondeur ou prairies très rases peuvent être également être fréquentés.
Les sites de remises peuvent être similaires aux sites de gagnage mais sont souvent plus inondés.
Répartition géographique
La bécassine des marais niche de la Grande-Bretagne à la Sibérie orientale et du nord de la Scandinavie au Portugal. La Sibérie abrite la majeure partie de la population. En Europe, l'essentiel de la population de reproduit en Grande-Bretagne, en Scandinavie et la plaine germano-polonaise.
L'espèce est présente en hiver depuis les côtes sud de la Scandinavie jusqu'à l'Afrique tropicale. Les principaux quartiers d'hivernage se situent en Grande-Bretagne, France, Péninsule ibérique, Maroc et nord de l'Italie. Les conditions météorologiques conditionnent la présence des bécassines en hiver.
Les populations les plus nordiques et les plus septentrionales hivernent dans les régions les plus méridionales de l'aire d'hivernage.
- Distribution de l'espèce en France
Distribution de l'espèce en France
La bécassine des marais se reproduit en France de manière dispersée au nord d'une ligne Arcachon-Besançon (env. 300 couples). Les effectifs les plus importants sont notés en Franche-Comté, en Vendée et dans le Cantal.
En automne-hiver, la répartition et l'importance des stationnements sont tributaires de la pluviosité automnale et des températures hivernales. Les oiseaux sont surtout concentrés dans les départements littoraux . Cette concentration s'accentue en cas de coups de froid, auxquels l'espèce est très sensible
Statut juridique
En date du : 1 janvier 2004
Directive « Oiseaux » 79/409 CEE : annexes II/1 et III/2
Convention de Berne : annexe III
Convention de Bonn : annexe II
Accord sur les oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie (AEWA) : annexes 2 et 3 (Tableau 1, colonne B/C)
Chasse autorisée partout en Europe sauf aux Pays-Bas, en Hongrie, en Allemagne et en Finlande.
- Mesures réglementaires en France
Mesures réglementaires en France
La chasse de la bécassine des marais est autorisée à partir de début août sur le domaine public maritime (à l'exception des étangs lagunaires) et sur les prairies humides et les zones de marais non asséchées, spécifiquement aménagées par la réalisation de platières et la mise en eau (arrêté ministériel du 21 juillet 2003). La fermeture est fixée fin janvier.
La commercialisation des oiseaux est interdite.
États des populations et menaces potentielles
- État des populations
- Statut de conservation
- Menaces
État des populations
En l'absence de protocoles de suivi standardisés dans l'aire de distribution de l'espèce, les estimations d'effectifs et leur tendance sont à prendre avec précaution.
L'effectif total de bécassines des marais dans le paléarctique occidental serait de 20 à 30 millions d'oiseaux.
Les effectifs nicheurs en Europe occidentale sont considérés comme stables ou en déclin, selon les pays.
Statut de conservation
L'espèce est considérée en bon état de conservation : catégorie Non-SPEC
Menaces
La principale menace qui pèse sur les populations de bécassines des marais en Europe est la perte d'habitats favorables. Le drainage des prairies suivi de leur mise en culture affecte tous les pays dans des proportions plus ou moins importantes : 10 à 12 % des zones humides en France, 37% en Allemagne, 80 % aux Pays-Bas et en Italie. Cette baisse de la capacité d'accueil concerne aussi bien les sites de reproduction, que les haltes migratoires, les sites de mue et les sites d'hivernage.
La forte sensibilité de l'espèce aux conditions climatiques peut conduire à de fortes pertes en cas de coups de froid intense et prolongé.
Les prélèvements cynégétiques sont estimés à environ 1 200 000 bécassines des marais en Europe (275 000 en France). Ces prélèvements seraient en baisse dans tous les pays d'Europe. Dans certains cas (concentration en raison de la réduction des habitats favorables), une pression de chasse excessive peut s'avérer préjudiciable.
Propositions de gestion
La principale action de gestion à entreprendre concerne les habitats.
Les bécassines ont besoin de milieux bien spécifiques (landes humides, tourbières, marais, prairies humides) afin de répondre à leurs exigences alimentaires et de quiétude, notamment en migration et en hivernage. Lors des migrations, les possibilités de reconstituer des réserves sont très importantes pour l'oiseau, tout autant que les zones de repos. En hivernage, le froid, les mues, le dérangement entraînent des pertes caloriques que l'oiseau doit compenser.
Le plus important est la qualité hydrique du milieu : un sol, même bien pâturé ou fauché, n'attirera pas les bécassines s'il n'est pas gorgé d'eau. Leur bec, efficace pour sonder la vase, est incapable de perforer des sols compacts. L'idéal est de disposer d'un film d'eau de 0,5 mm à 6 cm, avec un sol au relief légèrement inégal. Un sol dégradé très humide, même gavé de produits phytosanitaires (parcelle de maïs après récolte, vigne, par exemple) peut être favorable à l'accueil au moins temporaire des bécassines en hiver. Suivant les cas, un système de digues, de canaux, et d'écluses, peut amener l'eau de manière contrôlée sur la parcelle où l'on souhaite favoriser l'accueil des bécassines.
Il est nécessaire que la parcelle soit alimentée en eau le plus longtemps possible. Par exemple, faucher une parcelle de marais en juillet, la laisser sèche tout l'été, et amener l'eau en septembre, voire en octobre, ne permettra pas de disposer d'un sol suffisamment détrempé pour la migration, qui a déjà bien commencé à cette date. Il faut amener l'eau si possible en juillet, dès la fauche ou le pâturage de la parcelle.
Le fauchage et/ou le pâturage sont nécessaires pour que le milieu soit propice aux bécassines : trop haute ou trop dense, la végétation empêche le déplacement des oiseaux au sol. Une végétation lâche où l'oiseau peut circuler et se défendre d'éventuels prédateurs tout en se nourrissant est indispensable. Les cas où les bécassines privilégient les terres nues sont peu fréquents. Certains marais qui s'assèchent bien l'été ne posent pas de problèmes pour être fauchés, par contre il est quelquefois difficile de les remettre en eau. Des pompes sur tracteur ou des pompes solaires peuvent être utilisées. Dans certains cas, l'influence de la marée peut être une aide à condition que la salinité ne soit pas trop importante.
Les marais très humides, par exemple les tourbières de montagne, doivent être pâturés par des animaux rustiques (Higland cattle, races françaises de bovins rustiques, par exemple) Le pâturage, sur un sol mou présente l'avantage de défoncer la surface du sol, mettant à jour des microreliefs très favorables à l'alimentation des bécassines. Dans ces milieux, les chasseurs utilisent quelquefois des engins ayant une bonne portance pour broyer la végétation.
Les bécassines ont besoin de tranquillité. Les réserves sont nécessaires sur une partie du territoire pour satisfaire les besoins alimentaires des oiseaux face au froid, aux mues successives, aux prédateurs et à la chasse.
En résumé, un territoire à bécassines doit disposer d'un sol très mou avec une fine pellicule d'eau, de parcelles pâturées ou fauchées, le pâturage étant préférable, de zones de quiétude sur quelques sites diurnes bien répartis dans l'espace.
Des mesures de réduction des prélèvements, telles que le PMA, peuvent également s'avérer utiles pour contrôler la pression de chasse et la mettre en adéquation avec l'état de conservation des populations.
Axes de recherches à développer
L'objectif doit être d'assurer une exploitation durable des populations de bécassines des marais.
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Un suivi des effectifs nicheurs et hivernants dans toute l'aire de répartition est absolument nécessaire pour appréhender la tendance démographique des populations. Ce suivi passe par la mise au point de protocoles de dénombrement spécifiques, en période de reproduction et en hivernage.
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Une meilleure connaissance des taux de survie est un élément important pour mieux comprendre la dynamique des populations de bécassines. Pour cela, le baguage doit être développé dans toute l'aire de répartition.
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Une connaissance la plus précise possible des prélèvements cynégétiques en Europe (voir en Afrique) est indispensable pour la gestion des populations.
Bibliographie
ROUXEL, R (2000)
Les bécassines du Paléarctique occidental.
Publ. OMPO. Ed Eveil Nature, Saint-Yriex-sur-Charente, France. 304 p.
SNOW D.W. & C.M. PERRINS (1998)
The Birds of the Western Palearctic.
Concise edition. Vol.1 Non-Passerines. Eds. Oxford University Press.
Auteur : Yves Ferrand
Publication 2004.