L'arrêt
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Un article du Dr Jean-Paul Boidot (*)
Cet article a été publié dans le journal "La Mordorée" et sur le site du CNB.
Définitions
L’arrêt correspond à l’immobilisation absolue, plus ou moins brutale, dans une attitude en général spécifique de la race, qui survient pendant la quête, lors de la perception de l’émanation directe dégagée par un gibier. On peut considérer l’arrêt comme l’aboutissement d’une poursuite entre le chien (prédateur) et le gibier (prédaté).
Pour être efficace, l’arrêt doit être ferme, autoritaire. Le gibier ainsi fixé va permettre l’arrivée du chasseur et le “tir” dans les conditions les plus confortables, ce qui facilitera la capture du gibier.
L’arrêt reste un acte complexe, et son déclenchement n’est pas seulement d’origine uniquement olfactive.
Dans certains cas, son déclenchement est visuel, sans relation olfactive, tel l’arrêt “à vue” (sur un gibier), l’arrêt “à patron” (respect d’un autre chien à l’arrêt), l’arrêt “miroir” lié à la vue d’un autre chien en action, d’un face-à-face inattendu qui déclenche l’immobilisation brutale des deux chiens.
L’arrêt du chien doit permettre au chasseur d’arriver à distance tirable, de décider du moment de tuer et d’essayer, le plus souvent, de prévoir dans quelle direction tirer.
En fait, l'arrêt se révèle d'une grande complexité, entraînant la mise en jeu de mécanismes physiologiques spécifiques des animaux concernés, soit l'arrêteur, le chien, ou l'arrêté, le gibier.
Les origines de l'acte réflexe d'arrêt
Il existe moult hypothèses concernant la création du chien d’arrêt.
Dans de nombreuses espèces animales, mais peut-être plus spécialement chez les canidés, avant de saisir sa proie, le prédateur marque un temps d’immobilité plus ou moins long. XÉNOPHON, dans son écrit “ L’art de la Chasse”, décrit des chiens qui, “lorsqu’ils l’aperçoivent (le lièvre), tremblent et n’avancent pas avant de le voir débouler.”
On a cru lire dans cette observation la définition du chien d’arrêt.
PLINE LE JEUNE a décrit le canis avarius en affirmant qu’il hypnotisait le gibier du regard; pendant que l’animal sauvage était immobilisé, le chasseur avait le temps de préparer et poser ses filets.
Certains pensent que l’on a dressé des chiens à l’arrêt parce qu’ils appartenaient à des races moins rapides, donc moins aptes à chasser à courre, seule chasse noble et vraie pendant des siècles.
Pour BUFFON, le chien d’arrêt, ou chien “couchant” descend du chien courant. Cette origine semble possible, car au départ, pour trouver la piste du grand gibier (cerfs, loups, sangliers, chevreuils, renards), avant le courre, on utilisait un chien dit “limier”.Le “limier” est un chien courant possédant un nez très fin, sélectif, travaillant en laisse et en silence .Jacques du FOUILLOUX (1561) définissait les limiers comme “ chiens qui ne parlent point.“Pour Jacques de CLAMORGAN (1566), le limier est un “ .chien quérant ou quêtant”.
Pour M. de YAUVILLE, le limier est “ fait pour travailler à la main et ne pas donner un coup de gueule.”
Le chien limier fut utilisé pour des gibiers vraiment très différents. Il était dressé pour le loup, le cerf ou la perdrix.
Ce type de chien correspondrait à la charnière entre le chien courant et le chien couchant.
Le LAROUSSE DU CHIEN définit le “limier” comme un chien dressé à suivre la voie des grands gibiers en forêt.
On constate que le chien “limier” reste en relation permanente avec son maître, travaille en silence et marque le gibier par immobilisation. Toutes ces qualités ne font-elles pas la définition du chien d’arrêt ? Au départ, le chien “limier” le plus prisé fut le chien LACONIEN (SPARTE). On le croisa avec divers types de chiens. Il n’est donc pas exclu qu’il soit à l’origine du chien d’arrêt. Mais là, les preuves manquent.
Au XVI ème siècle, on classait ensemble “LIMIERS” et “BRAQUES”, dont le rôle était de sentir et de repérer le gibier. À cette époque, les armes à feu pour la chasse n’existaient pas.
Il faudra attendre la fin du XIXème siècle pour que l’on évoque la chasse au chien d’arrêt, et plusieurs décennies après, le chien d’arrêt sera totalement reconnu. Aujourd’hui, dans la cynophilie moderne, il est placé dans le 7ème groupe qui comprend les chiens d’arrêt dits britanniques (Setters, Pointers) et les chiens d’arrêt continentaux (Braques, Épagneuls, Griffons...). Ensemble, les chiens d’arrêt représentent l’un des groupes les plus fournis de la cynophilie.
À cette époque, le chien “couchant” devait s’aplatir au sol, très près des perdrix, cailles, qui étaient certainement moins farouches que de nos jours, pour que le chasseur puisse recouvrir chien et gibiers avec un filet ou “tirasse”.
À ce sujet, la première représentation connue d’un chien d’arrêt est un marbre du VATICAN (début de l’ère chrétienne). Il s’agit incontestablement d’un “Braque” à oreilles tombantes, dans la position de l’arrêt, une patte relevée et repliée. Sans doute arrêtait-il une caille ou des perdrix, ou d’autres petits gibiers, que le chasseur s’apprêtait à recouvrir d’un filet.
TOUSSENEL, dans son ouvrage "L’esprit des animaux”, écrit que le chien d’arrêt “est comme la rose double : c’est un chien greffé sur un chien courant qui redevient sauvage, comme la rose double, quand la greffe est mal faite.”
Il a voulu exprimer dans cette comparaison que le chien d’arrêt descend directement du chien courant.
On peut estimer que le chien d’arrêt est une création récente ; il serait né des besoins des fauconniers qui voulaient un chien qui fasse voler le gibier. Plus tard, ils ont opté pour un chien qui marquait l’animal gibier au lieu de lui courir après.
Pour d’autres, la création du chien d’arrêt résulte de l’observation déjà signalée que les chiens, comme les autres canidés sauvages, et en particulier les félins, marquaient un temps d’arrêt qui leur permettait d’évaluer la nature de la proie avant le bond final. Il semblerait que c’est cette caractéristique que l’on a sélectionnée et qui a produit l’arrêt au sol du chien “de filet”.
Le croisement entre l’ancien chien de berger, docile et intelligent, et l’ancien chien courant, au flair très développé et nourrissant une grande passion pour la chasse, a eu une importance fondamentale pour la fixation du chien d’arrêt. Ces croisements avec des chiens de bergers qui, selon les lieux, avaient le poil ras ou le poil long, le poil laineux et le museau portant barbe et moustaches, le poil long et le museau sans barbe ni moustaches ont donné naissance aux trois grandes catégories de chiens d’arrêt que l’on trouve aujourd-’hui : les BRAQUES, à poils ras, les GRIFFONS à poils durs ou laineux, les ÉPAGNEULS à poils longs et soyeux, selon M. SANTARELLI (1967).
Autre hypothèse formulée par certains : il arriva un moment de l’histoire, peut-être devant l’évolution de la faune gibier et l’abondance du gibier à plumes qui s’envolait rapidement et définitivement hors de portée, alors que lièvres, chevreuils, loups, sangliers, pouvaient être poursuivis par les meutes de chiens courants et finissaient par être rejoints, épuisés de fatigue et poussés vers les ravins, les trappes et pièges à filets, certains chiens se spécialisèrent dans la chasse aux oiseaux.
Au lieu de courir, le chien devait s’approcher lentement, sans cri, pas à pas, en observant des poses et en restant parfaitement immobile. Le chien restait figé, les narines dilatées pour capter les émanations, en déduire la distance qui le séparait de sa proie et de décider de l’instant idéal pour bondir et saisir le gibier.
L’homme chasseur observa cette technique et la perfectionna par le dressage en la limitant au “coulé” pas à pas et à l’arrêt, la pose du filet, puis plus tard, le tir remplaçant la charge du chien.
Concernant l’origine de l’appellation Chien d’arrêt, elle remonterait au XV ème siècle. À cette époque, des français importent d’ITALIE des braques, appelés au XVI ème siècle “cane da reté”, soit chien de filet.
Cette expression fut transformée en langue française en “chien d’arrêt”.
Apparition - Déclenchement - Evolution de l'arrêt
Vers l’âge de 5 à 6 semaines, le chien manifeste la possibilité de prendre des poses d’arrêt sur des objets mouvants ou inhabituels de son environnement.
Selon Jean -Marie PILARD : “ Tous les chiots de grande origine arrêtent dès l’âge de six semaines, plus ou moins, mais tous le font.”
On peut penser que ces première poses d’arrêt sont déclenchées plus par la vue que par le sens olfactif. Le chiot pourra arrêter, grâce à sa puissance olfactive, entre 4 et 6 mois.
Au départ, le chiot est arrêté par le gibier : il a des difficultés à comprendre et analyser le message olfactif reçu ; cela est confirmé par une position d’arrêt que l’on peut qualifier d’incomplète ; l’animal est “mou”, sans style ; il localise mal ; il est surpris. C’est un fait, les premiers arrêts du chien, dans la grande majorité des cas, ne sont pas dans le style de la race ; l’animal semble interpellé, étonné ; il capte une émanation dont il ne connaît pas l’origine. Il reste figé, sans tension ; il semble réfléchir. On dit que le chiot est arrêté par le gibier.
La précocité de l’arrêt peut varier suivant le type de gibier. Selon les dresseurs, la précocité de l’arrêt varierait en fonction du sexe et de la race. Les femelles arrêtent plus précocement, ainsi que les races dites continentales.
À l’âge de 12 mois, le chien doit arrêter ; certains individus ne se déclarent que vers 3 ou 4 ans, et parfois sur un seul type de gibier.
Rapidement, après quelques rencontres, l’arrêt va s’affirmer ; l’animal se tend et prend bientôt la pose d’arrêt dans le style de la race.
Au début, il faut le laisser jusqu’à ce que le gibier se mette seul à l’envol ; puis, il inspectera et reniflera la place, après avoir poursuivi le gibier. Lorsque l’arrêt est acquis, il faut obliger le chien à ne pas bouger à l’envol ; certains recommandent de passer devant le chien pour faire voler le gibier.
Au départ, quand le chien arrête, il faut le laisser tranquille, le faire profiter de l’émanation ; il s’initiera à la fermeté de l’arrêt.
L’arrêt est quelque chose de tangible qu’on peut évaluer et dont on a augmenté la durée au cours du temps.Un bon chien, surtout en montagne, est capable de rester en arrêt ( on dit “tenir l’arrêt”) plusieurs minutes, parfois près d’une demi-heure, en attendant que son maître arrive à le rejoindre.L’arrêt doit être tenu plus ou moins longtemps par le chien.
Wiliam ARKWIGHT précise : “ quelques chiens s’impatientent après avoir tenu l’arrêt pendant un temps raisonnable et s’élancent sur le gibier ; d’autres tiennent l’arrêt plus de dix minutes.”Le Colonel HUTCHINSON raconte qu’un chien resta en arrêt dans un champ pendant que les chasseurs étaient allés déjeuner dans une maison voisine.
L’arrêt doit être ferme et parfaitement tenu jusqu’à l’ordre du conducteur, comme le définit si bien Jean-Marie RINGEVAL : “ D’abord, j’ai impérieusement besoin d’un arrêt ferme, prolongé, impeccable, susceptible de durer tout le temps que prendra le déplacement du tueur. Durée de temps variable, souvent imprévisible, et sans aucun rapport avec l’éloignement éventuel du maître à la seconde de pétrification du chien.”
L’arrêt nécessite une grande sélectivité olfactive, de l’initiative, entraînant un acte net et précis. Avec l’expérience, le chien ayant capté l’émanation va la remonter plus ou moins vite, on dit avec plus ou moins de décision. Il doit obliger le gibier à se figer, s’immobiliser, pour permettre au conducteur d’arriver, de se placer, et d’essayer de capturer l’oiseau.
Pour le chasseur, l’arrêt doit davantage correspondre à une domination qu’à une indication.
Les chiens d’arrêt qui font la différence sont ceux qui dominent par rapport à ceux qui indiquent. “Les grands setters vont à la viande ; c’est souvent cette audace qui distinguera un grand chien d’un excellent chien d’arrêt.”
Le chien n’arrête pas tous les gibiers avec la même passion, correction, régularité. Certains chiens manifestent plus ou moins de précocité pour certains gibiers.Avec l’entraînement, et surtout de très nombreuses mises en présence, l’arrêt s’affermit, se stylise.
On peut penser qu’à ce moment, le système olfactif atteint sa maturité. Certains chiens, au sommet de leur art par des attitudes d’arrêt particulières, vous permettent d’imaginer l’oiseau, de prévoir son départ, d’en situer la position exacte.
Actuellement, rien ne permet de mesurer de manière fiable la puissance olfactive chez le chien, donc encore moins d’évaluer les variations de la puissance olfactive en fonction d’états physiologiques, climatiques, pathologiques, etc. . .
On est certain qu’un entraînement à la détection de certaines odeurs affine et éduque le flair du chien : on dit que l’on créance le chien (recherche de la drogue, mise en présence sur un même type de gibier).
Il y a quelques années, j’avais rapporté d’un voyage aux U.S.A. des “flacons d’odeurs” (gélinottes, raton-laveur, ours), gibiers totalement inconnus de mes chiennes.
J’ai eu l’occasion d’en inhiber différents objets, et j’ai constaté qu’après plusieurs présentations, certains chiens prenaient rapidement une pose d’arrêt sur l’ours, la gélinotte, le raton-laveur, et cela d’autant plus rapidement que je dispersais ces “parfums” sur des gibiers morts et congelés : faisans, perdreaux.
Les veneurs l’ont constaté depuis longtemps : on peut créancer le chien sur des scents spécifiques et particuliers.
Le chien perçoit toutes les odeurs avec une plus ou moins grande sensibilité, mais l’entraînement peut le stimuler sur un seul type d’odeur.
L’arrêt peut varier dans sa fermeté, suivant les conditions de terrain, comme le rappelle le colonel DEMANGET : “Le marais rend l’arrêt moins ferme et le bois le rend plus court. Il peut même arriver à le supprimer tout à fait ; le chien nasille, chasse comme un cocker et se tape, même à bon vent.”
Il y a indiscutablement une éducation de l’odorat ; cependant, tous les chiens n’auront jamais la même finesse ni la même puissance olfactive.
Le chien quête puis localise l’oiseau en remontant les différentes émanations faites des molécules odorantes dégagées par l’oiseau ou par ses traces.
Le chien va pouvoir localiser l’oiseau avec grande précision lorsqu’il va capter l’émanation directe ou “scent” émise par ce dernier.
L’oiseau (ou prédaté) adopte, en fonction des circonstances, un comportement varié, qui n’est pas standard.
On distingue plusieurs phases comportementales susceptibles d'être utilisées par l'oiseau, afin d'échapper au prédateur (ici, le chien).
Ces phases comportementales peuvent être dictées par le terrain, l'âge et les habitudes de l'oiseau, la pression de chasse, la qualité du chien dans sa méthode de quête et dans ses arrêts.
On peut distinguer deux phases comportementales adoptées par le prédaté face au prédateur :
Première phase.
L’oiseau (prédaté) s’immobilise, écoute, regarde, observe le chien (prédateur). Si cela est possible, il le situe par rapport au milieu afin de prévenir sa fuite.
À ce moment, le chien a repéré le gibier en captant l’émanation directe, après résolution plus ou moins facile du labyrinthe olfactif laissé par les voies de contact et aériennes.
Deuxième phase.
Cette phase se déroule suivant des modalités différentes :
À ce moment, le chien est en arrêt, en état d'immobilité tonique ; il profite de l'émanation directe : il "boit" l'émanation. Certains disent qu'il "pipe".
Quant à l'oiseau, afin de se sauver la vie, il peut choisir entre différentes possibilités.
Cas de la fuite.
Première technique : Envol brutal.
C'est la fuite brutale de l'oiseau (ou prédaté), qui laisse peu de temps au chien (ou prédateur) pour le localiser avec précision. Il y a envol brutal, presque simultané à l'arrêt. C'est souvent le cas d'oiseaux soumis à une forte pression de chasse.
Cette fuite entraîne l'émission de fèces, signe d'un sentiment de peur. Si l'envol n'est pas repéré par le prédateur, ces fientes serviront de leurre : elles occuperont le chien (ou prédateur), ce qui retardera d'autant la poursuite.
Cet artifice ne marche pas ou moins bien avec des chiens routinés. On dit des chiens de métier.
Deuxième technique : Coulé de fuite.
L'oiseau (ou prédaté) piète pour distancer son poursuivant, et cela lui permet de savoir si le chien (ou prédateur) a repris sa quête pour le pister. S'il est convaincu d'être filé, l'oiseau se met à l'essor.
En fait, ce déplacement ou coulé de fuite est fait pour perturber le chien (ou prédateur). À ce moment, les émanations émises varient du fait des réactions physiologiques de l'oiseau, correspondant à la baisse des sécrétions glandulaires, suite à une vaso-constriction de certains vaisseaux, résultat du stress.
Pour fuir, l'oiseau va multiplier les obstacles, fuir à vent contraire, tout cela ayant pour but de rendre plus difficile le contrôle de l'émanation et des voies de contact et aérienne.
Troisième technique : Cas de l’immobilité.
L’oiseau adapte une position d’immobilité et utilise à l’occasion son plumage cryptique afin de rendre le repérage plus difficile.
Souvent, dans cette situation, l’oiseau (prédaté) présente un comportement proche de l’hypnose, avec une inhibition partielle des contrôles volontaires ; il semble engourdi, mais conserverait une certaine attention et ses perceptions sensorielles. Mais, en quelques secondes, il peut retrouver son comportement habituel. Il passe d’un état de panique à un état de réflexion. L’oiseau, en cet instant, donne l’impression qu’il est plongé dans un profond sommeil ou même qu’il est mort. Il y a absence totale de molécules odorantes par annulation des sécrétions glandulaires. La fin de cet état est brutal ; l’animal se redresse et essaie de s’échapper le plus rapidement possible.Cette forme de défense du prédaté a été signalée par différents auteurs, dont le Dr. Emile BOURDON :“ Je me demande souvent lequel fascine l’autre. Je crois vraiment qu’ils sont attirés, séduits l’un par l’autre.
Disons plutôt qu’un charme, un attrait, une séduction, un éblouissement, existent ou passent entre le chien et l’oiseau. Peut-on parler d’hypnotisme ? ou de magnétisme ? Admettons plutôt un envoûtement, un grand trouble, un enchantement.”
Selon J-M. PILARD, pendant la phase d’arrêt ,“ le chien s’hypnotisera”.
Actuellement, lorsque l’on évoque l’arrêt, le terme d’hypnose est remplacé par “immobilité tonique”.
On peut se poser la question ; Quel est l'intérêt, pour le prédaté, d'adopter cet état d'immobilité tonique ?
DARWIN pensait que cette hypnose ou immobilité tonique représentait une forme d’imitation de la mort et qu’elle pouvait avoir valeur de survie. Certains prédateurs refusent de s’intéresser à une proie morte et à la manger.
Les réactions hypnotiques ne sont pas apprises.
Lors d’immobilité tonique, en dépit de leur immobilité physique et de l’absence de réflexe, les animaux sont capables de contrôler l’environnement.
Il y a une sorte d'engourdissement de la conscience, ce qui permettrait une certaine forme d'attention et une conservation relative des perceptions sensorielles.
Tout sujet hypnotisé, puis abandonné à lui-même, retrouve en peu de temps son comportement habituel.
Cependant, la réorientation demanderait un certain laps de temps. N'a-t-on pas là la faiblesse de ce mode de défense ?
De l'attitude adoptée par le prédaté, qui excite, captive, modifie ses émanations par le stress et la ruse, il en résulte des caractéristiques précises qui définissent la situation d'arrêt :
- immobilité totale du chien,
- tonicité musculaire généralisée,
- rythme respiratoire modifié,
- style d'arrêt.
Pour COLOMB : " L'arrêt est un acte conscient, subordonné à un stimulus qui pousse le chien à
l'effectuer en toute connaissance de son action."
Il le définit avec plus de précision : " Le chien en arrêt est comme un soldat au garde-à-vous,
statique, tendu, rigide, obstiné au point de s'évanouir sous le soleil, le jour du défilé, mais l'un est
conscient d'être au garde-à-vous devant son supérieur hiérarchique, l'autre d'être en arrêt en présence du chasseur."
Selon ARKWIGHT : "Le chien en arrêt semble mâcher quelque chose ; il mâche le point ou
l'effluve."
Les différentes possibilités de servir l'arrêt
La finalité de l’arrêt, c’est de permettre le tir, donc la capture, du gibier recherché et ensuite l’efficacité.
Lorsque le chien est en pose d’arrêt, le tireur essaie toujours de se placer de façon à pouvoir tirer dans la meilleure position possible, en assurant la sécurité. Le tireur, après avoir repéré son ou ses partenaires de chasse ainsi que les différents obstacles qui pourraient gêner le tir, se place, s’il en a la possibilité, de face ou de trois-quarts arrière par rapport au chien, sachant qu’à tout moment, le gibier peut fuir et n’est pas toujours au bout du nez du chien.
Une fois placé, le tireur peut adopter plusieurs solutions, suivant les circonstances et son tempérament.
1er cas :
il attend que le gibier décide de fuir seul, à son initiative. Cela peut être plus ou moins long.
2ème cas :
le tireur avance doucement, se place devant le chien, marche lentement en piétinant le sol. Il fait du bruit, ce qui déclenche l’envol.
Ou encore, le chien est à l’arrêt. Le tireur arrive, se place, vérifie l’environnement, donne l’ordre au chien de couler, ce qui déclenche l’envol.
3ème cas :
le tireur, placé, jette un objet (caillou, pomme de pin) devant le chien ; parfois, il doit répéter l’action deux ou trois fois, si la bécasse est bien calée. L’oiseau décolle brutalement ; son départ est souvent accompagné d’une charge du chien.
4ème cas :
Personnellement, sur les sites encombrés, je fais “bourrer” à l’ordre, ce qui déclenche un départ brutal de l’oiseau qui, dans la majorité des cas, monte vers le haut des gaulis ou des buissons, rendant le tir plus facile et efficace. Cette technique m’évite d’avoir les poches chargées de projectiles et une attente incompatible avec mon caractère.
J’ai toujours appliqué cette technique à la bécasse, avec différentes races de chiens (Setters et Pointers), sans qu’aucun n’ait perdu l’instinct d’arrêter et de vouloir bourrer ensuite le gibier arrêté.
Les puristes critiquent ; certains condamnent la méthode ; les chiens qui pratiquent cette façon d’agir, ce respect de l’ordre, font preuve d’un grand mental et ont parfaitement compris ce que leur maître leur demande.
E. DEMOLE est partisan de cette pratique qui, je pense, n’est pas sans risque :
“Il n’est pas correct, du point de vue du dressage strict, de faire forcer l’arrêt, mais cette pratique rend des services inestimables au bois. On doit chercher à inculquer “cette qualité ou ce défaut” aux bécassiers. L’on n’y parvient pas toujours, car les chiens qui sont trop prudents, qui ont trop d’arrêts, ne se prêtent pas volontiers, à ce petit jeu. “Ce dressage si spécial a bien des inconvénients. Il risque d’inciter les jeunes élèves ou les chiens dont l’arrêt n’est pas très ferme à bourrer avant d’avoir reçu l’ordre.”
“ L’oiseau qui, affolé, ne cherchait pas le baliveau sauveteur, mais dont la seule préoccupation était de fuir le plus vite possible, même en plein air”, ce qui facilite le tir, c’est évident.”
Dans la littérature bécassière, d’autres conseillent cette pratique qu’ils estiment dangereuse, comme Maurice de la FUYE : “ Je ne conseille pas au chasseur de lever lui-même la bécasse..... L’avance à l’ordre est employée couramment par les chasseurs au marais pour déloger les bécassines des zones inaccessibles, et d’une façon habituelle, par quelques-uns pour les mettre à l’essor”.
5ème cas :
Servir l’arrêt quand on est plusieurs.
Il y a des règles de courtoisie, un savoir-vivre qui veut que chacun respecte l’autre et qu’un ordre de tir soit implicitement admis. Cela peut correspondre à “ chacun son tour”, quel que soit le chien à servir, ou ce qui part d’un côté est pour l’un des amis vice-versa.
Edouard DEMOLE préconise un certain respect entre deux partenaires habituels en les assujettissant à des règles de courtoisie qui sont un régal pour deux amis qui savent s’entr’aider et avoir des prévenances réciproques.
À savoir : s’attendre, ne jamais servir son chien à l’arrêt, ne jamais aller relever une bécasse sans avoir prévenu et attendu, si possible, l’arrivée du camarade qui apportera son aide, sa collaboration.
L'article a été publié dans le journal "La Modrorée" et a été publié sur le site du CNB.
(*) L'auteur Jean-Paul Boidot est docteur vétérinaire. Il est ancien président et président d'honneur du CNB. Il est aussi fondateur et président de la FANBPO. Jean-Paul Boidot est aussi vice-président de la Fédération des Chasseurs du Finistère.